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Religions

Quel est l’impact des campagnes avec des hashtags contre l'islamophobie?

Communication 2.0 • Les ravages des terroristes de l’Etat islamique, les vagues de messages haineux contre les musulmans et l’islamophobie grandissante ont inspiré une explosion de réactions sur internet, en particulier sous la forme de hashtag sur Twitter. Tour d'horizon.  

#NotInMyName donne la possibilité de dénoncer la violence avec ses propres mots, de laisser entendre sa voix en rejetant l’idéologie de la haine.

Cathy Lynn Grossman (RNS/Protestinter)

Cathy Lynn Grossman (RNS/Protestinter)

18 novembre 2014 à 18:35

Une armée d’internautes actifs sur Twitter – un mélange de défenseurs sérieux et de satiriques pointus – milite et argumente au sujet de l’islam avec leurs messages de 140 caractères, positifs, pacifiques ou encore humoristiques. Utilisant des hashtags tels que #TakeOnHate (affronter la haine), #IStandUpBecause (je résiste parce que) et #NotInMyName (pas en mon nom), ce phénomène révèle la diversité, la complexité et les contributions positives de l’islam et des musulmans. Parallèlement, certains hashtags, comme #MuslimApologies (excuses musulmanes), utilisent le sarcasme pour servir le même message.

Une activiste menacée d’être décapitée

Pourtant, à chaque fois qu’un hashtag prônant telle opinion est créé, d’autres internautes ripostent immédiatement avec un message qui soutient le contraire. Ainsi, certains experts se demandent si les campagnes sur Twitter ont une valeur durable. Linda Sarsour n’a aucun doute. Cette activiste palestinienne, basée à Brooklyn, milite dans les rues et sur les médias sociaux. Elle est la co-créatrice de #TakeOnHate. Cet hashtag est accompagné d’un site web qui a été lancé au mois de mars par le Réseau national pour les communautés arabo-américaines. 

«Ce qui est insidieux dans les messages islamophobes, c’est qu’ils semblent être acceptés sur la Toile, contrairement à l’utilisation du mot «nègre» ou aux remarques antisémites qui sont considérées comme largement outrageuses», explique Linda Sarsour. En septembre dernier, cette activiste a été poursuivie dans la rue par un homme qui l’a menacée de la décapiter. Il a été arrêté.

L’ironie de #MuslimApologies

«Alors que les hashtags sont temporaires, les discussions qu’ils engendrent marquent les personnes qui y participent. Et pas besoin d’attendre que ce soit la télévision nationale qui transmette le message», ajoute Linda Sarsour, qui remarque que #TakeOnHate (affronter la haine) voit son audience augmenter, à chaque fois qu’elle est sur Internet.

Elle admire l’ironie de #MuslimApologies, qui montre «à quel point c’est ridicule de demander à 1,8 milliard de musulmans de s’excuser pour une poignée de personnes qui se comportent de façon condamnable». #MuslimApologies n’a toutefois pas engendré énormément d’activités sur la Toile – moins de 5000 tweets depuis le 13 octobre, selon le site Topsy qui analyse les activités sur Twitter. 

Par exemple, ce message de @falasteenager: «Je suis désolé qu’Adolf Hitler ne représente pas l’Allemagne, mais Oussama Ben Laden représente tous les musulmans et leur mère».

Dans une vidéo qui circule sur Twitter, un inconnu dit: «Je m’excuse pour la Première et la Deuxième Guerre mondiale, même si elles n’ont rien à voir avec les musulmans. Mais juste au cas où».

Parallèlement, un autre hashtag plus sérieux, #NotInMyName (pas en mon nom), circule sur la Toile. Les personnes l’utilisent pour expliquer toutes les façons dont elles rejettent le terrorisme au nom de l’islam. Et ce n’est pas la première fois que le hashtag #NotInMyName est utilisé. Le «New York Time» a remarqué qu’il avait déjà été adopté pour manifester contre la guerre en Iraq en 2003 et aussi cet été par les Israéliens qui condamnent la guerre à Gaza.

Une «riposte contre l’Etat islamique»

La Fondation Active Change, une organisation communautaire de l’Est londonien consacrée à la répression de la criminalité dans les rues, des gangs et de l’extrémisme, a également utilisé #NotInMyName après la décapitation de plusieurs journalistes et d’un travailleur humanitaire britannique. «Les jeunes musulmans apportent leur voix à la riposte contre l’Etat islamique», peut-on lire sur le site de la campagne. «#NotInMyName donne la possibilité de dénoncer la violence avec ses propres mots, de laisser entendre sa voix en rejetant l’idéologie de la haine».

Jusqu’à présent, bien que les tweets quotidiens aient passé de 1000 à 400 depuis le 13 octobre, selon Topsy, ils continuent d’avoir un impact important malgré les attaques des messages opposés. Excepté pour la campagne #IStandUpBecause (je résiste parce que) qui a été développée par le Conseil des affaires publiques musulmanes (MPAC).  Créée au mois d’août, cette campagne a commencé par inviter des personnes sur Facebook et Twitter avec le message: «Dis au monde pourquoi tu ne crains pas de donner ton avis». La page Facebook a survécu, mais #IStandUpBecause a essentiellement engendré un fleuve d’insultes et de dénigrements.

«Les messages insultants sont apparus dès les premiers jours», constate Riham Osman, la coordinatrice de la communication de MPCA. «Au début, nous avons riposté, mais ensuite nous avons été submergés». Riham Osman tire la leçon que le travail avec un hashtag fonctionne uniquement si un public cible est clairement identifié et qu’il permet d’atteindre des personnes qui ont le pouvoir de changer les choses. Par exemple, après que la chaîne de magasins Wal-Mart a fait la promotion d’un «effrayant costume musulman» pour Halloween caractérisé par une barbe grise hirsute, une kippa et un gilet d’Asie du sud, l’indignation de Twitter a conduit le détaillant à supprimer l’article. 

«Peu d’Américains ont des amis ou des voisins musulmans» 

«Le pouvoir des messages haineux réside dans leur capacité à provoquer la peur», explique Robert Perez, un spécialiste des marques et des slogans axés sur les changements sociaux en matière de communication et fondateur de Wonderforgood.com. «Quand le sentiment de peur est activé dans le cerveau, c’est comme un fort bruit émotionnel qui noie quasiment entièrement la capacité d’empathie avers les autres», précise-t-il. «Les campagnes «cœurs et esprits» doivent répondre à la peur. Par contre, les campagnes via les hashtags sont malheureusement peu susceptibles de diminuer l’anxiété et la mésinformation», ajoute Robert Perez. 

«Peu d’Américains ont des amis ou des voisins musulmans, ainsi leur compréhension de l’islam est basée sur des préjugés négatifs. Ce qui leur donne une vision biaisée de la réalité», explique Robert Perez. «Pour aider la population à améliorer sa compréhension de l’islam, nous avons besoin de présenter différents parcours de vie et amener les gens à discuter entre eux».

Twitter et le changement social

«Le succès des utilisateurs de Twitter ne peut être estimé uniquement par le nombre de tweets, mais également par leur contribution à la matrice complexe du changement social», souligne Jen Schradie, une chercheuse de l’Ecole d’économie de Toulouse, en France, qui étudie les relations entre la technologie et les mouvements sociaux. «Le changement social se produit pour de nombreuses raisons, souvent grâce aux efforts concertés des organisations et de l’activisme». 

Bien qu’«il soit critiquable de défier les messages haineux», les médias sociaux permettent aux personnes qui n’ont jamais participé à une discussion publique de prendre une position courageuse. En fin de compte, c’est l’attention  qui compte – pour le pire et le meilleur. «L’attention a toujours eu du pouvoir», relève la sociologue Zeynep Tufekci, professeure assistante à l’Université de Caroline du Nord, à Chapel Hill. «Que faire quand l’attention en elle-même est une récompense pour l’assaillant? L’attention envers un groupe de terroristes est souvent ce qui les nourrit», précise Zeynep Tufekci. 

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