L’application suisse qui dit si vous êtes beau fait un carton

Lancé mardi 5 janvier vers 15h, le site internet «Let Artificial Intelligence guess your attractiveness and age» (#howhot) est rapidement devenu viral. En utilisant des algorithmes de reconnaissance faciale et en comparant le résultat à une base de données, le logiciel indique si l’objet de la photo laisse songeur («Hmm…), a un physique correct/passable («Ok»), est plutôt beau («Nice»), chaud («Hot»), superbe/renversant («Stunning») voire carrément beau comme un dieu («Godlike»).

Les algorithmes derrière le système ont été développés par le Computer Vision Lab (CVL) à l'ETH Zurich. Ils sont basés sur deux publications («Some like it hot - Visual guidance for preference prediction» et «DEX: Deep EXpectation of apparent age from a single image»). Le doctorant Rasmus Rothe a travaillé sur ce thème sous la supervision de Radu Timofte (postdoc) et du professeur Luc Van Gool. L'application de datation Blinq fournit les données de formation (le «training data»).

20 millions de photos évaluées 

Ce logiciel a connu un succès très impressionnant: 4 millions de visiteurs uniques en 5 jours et un million rien que dans les 12 heures qui ont suivi son lancement. Ce site a figuré sur la première page du site communautaire Reddit. Il a été relayé dans plusieurs centaines de journaux, des blogs en ligne, des forums de discussion. Des chaînes de radio et de télévision ont en parlé, explique Rasmus Rothe. Environ 20 millions d’images ont déjà été testées sur le site en moins d'une semaine. Des photos qui ne sont pas sauvées ni archivées par le site, précise l'universitaire.

Interrogé sur le but de cette application, Rasmus Rothe reconnait que celle-ci a un côté ludique mais se base sur un vrai travail scientifique en amont. Il souligne que les recherches derrière le site sont «très sérieuses» et que l’idée était d’offrir une vitrine amusante à des possibilités offertes par le travail de chercheurs sur le visage. A terme, les algorithmes utilisés pourraient avoir des applications moins futiles, par exemple dans le domaine médical en aidant dans des diagnostics.

Une fiabilité discutable

Concernant la fiabilité du test, Rasmus Rothe indique que celui-ci fonctionne bien pour évaluer l’âge avec une marge d'erreur moyenne de moins de 3 ans ainsiq que pour retrouver le sexe de la personne évaluée (plus de 90% de précision). «L’évaluation de l'attractivité est moins précise car ce n’est pas une mesure objective et qu'elle est difficile à traiter avec un algorithme» concède-t-il. Et de préciser : «L'algorithme tente d'abord de détecter un visage, puis un réseau neuronal profond (un «Deep Neural Network») l'analyse. Le réseau de neurones a été formé sur plusieurs centaines de milliers d'images de personnes dont nous connaissons l'âge ou le sexe. Pour l'attractivité, nous avons utilisé les données de Blinq (la version suisse du système de drague rapide Tinder, n.d.l.r.) et l'algorithme estime le nombre d'avis positifs qu'une image obtiendrait.»

«La Liberté» s'est amusée à passer quelques photos de personnalités fribourgeoises dans cette moulinette (voir le verdict dans cette galerie). Avec des résultats qui peuvent surprendre. Si Lauriane Sallin, Miss Suisse 2016, est jugée superbe et Andreï Bykov, considéré, comme «beau comme un dieu» lorsqu'il porte une moustache, le logiciel est parfois cruel, en particulier avec les photos de politiciens qui lui ont été soumises.

Cette application «bugue» parfois aussi. Ainsi Christian Levrat est jugé, avec une première photo, comme peu attractif et âgé de 39 ans (il en a 45, en fait), mais lorsqu'une autre photo est soumise au logiciel, le président du PS est considéré comme une jeune femme de 28 ans plutôt «Hot»! La science a, semble-t-il, ses limites.