La droite extrême chez Trump
Le sulfureux Steve Bannon a été nommé comme haut conseiller à la Maison-Blanche
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Ivan Couronne
15 novembre 2016 à 10:00
Etats-Unis » Donald Trump a nommé comme haut conseiller à la Maison-Blanche Steve Bannon. Il est le patron du site controversé Breitbart, plaque tournante de la «droite alternative », mouvement associé aux idées nationalistes et partisan de la supériorité de la race blanche.
Steve Bannon, 62 ans, dirigeait le site Breitbart jusqu’à son recrutement en août par Donald Trump en tant que directeur général de sa campagne. Dimanche, le président élu a annoncé qu’il le garderait à ses côtés à la Maison-Blanche, en tant que chef de la stratégie et haut conseiller, aux côtés de Reince Priebus, nommé secrétaire général, avec qui il devra travailler en tandem.
M. Bannon a orienté les deux derniers mois de campagne du candidat républicain. On a retrouvé sa patte dans la dénonciation populiste formulée par Donald Trump d’un ordre mondial contrôlé par des élites politiques et financières contre le peuple, «une structure mondiale du pouvoir», selon sa dernière publicité télévisée. Cette formule est critiquée à gauche pour ses relents conspirationnistes.
Promoteur du racisme
Sa nomination au sommet de l’Etat fédéral a suscité la consternation des démocrates. Ils ont rappelé les innombrables articles incendiaires publiés sur Breitbart et frôlant l’antisémitisme, alimentant la nostalgie pour le drapeau confédéré du Sud esclavagiste pendant la guerre de Sécession ou dénonçant l’immigration et le multiculturalisme.
«Les partisans de la suprématie de la race blanche seront représentés au plus haut niveau de la Maison-Blanche de Trump», a dénoncé Adam Jentleson, porteparole du chef des démocrates du Sénat Harry Reid.
«L’extrême droite raciste et fasciste est représentée au seuil du Bureau ovale. L’Amérique devra être très vigilante», a écrit sur Twitter John Weaver, proche de l’ancien candidat modéré aux primaires républicaines John Kasich.
Le candidat conservateur indépendant à la présidence Evan McMullin a également dénoncé la promotion de «l’antisémite Steve Bannon».
Et les démocrates de citer les accusations de l’ex-femme de Steve Bannon, Mary Louise Piccard. Dans des procédures de divorce, il y a près d’une décennie, elle a affirmé selon le New York Daily News que son ex-mari avait refusé d’envoyer leurs enfants dans une certaine école en raison de la présence de juifs. Des accusations qu’il réfute.
Les démocrates voient en Bannon un promoteur du racisme et de la misogynie, avec le soutien du Ku Klux Klan.
Le représentant démocrate Adam Schiff a pour sa part jugé que l’accession de M. Bannon au poste de conseiller n’était pas surprenante mais qu’elle constituait un signal alarmant.
Un rôle décisif
Dans une interview matinale hier, Rence Priebus a pris la défense de M. Bannon, assurant qu’il ne voyait pas en lui un extrémiste. «Il était une force de bien pendant la campagne», a dit Priebus sur Fox News, ajoutant qu’il avait été en accord avec lui sur «presque tout».
Ancien banquier chez Goldman Sachs, Stephen Bannon a rejoint l’équipe de campagne de Trump à une époque où le candidat républicain était en grande difficulté dans les sondages.
COMMENTAIRE
Les signaux contradictoires fusent déjà
On appelle cela le retour au principe de réalité. En cinq jours et trois coups de cuiller à pot, Donald Trump a déjà reconfiguré à la baisse son programme, ou plutôt ses slogans de campagne. Ainsi, plus d’abolition pure et simple de l’«Obamacare» (réforme de l’assurance-maladie), plus de renvoi de 11 millions de sans-papiers, plus de menaces contre Hillary Clinton… Quant aux premières nominations, elles traduisent déjà certaines dissonances. Tel est le cas de Reince Priebus. Ce futur chef de cabinet est l’image même de l’establishmentpolitique, tant vomi par le candidat vainqueur, mais si nécessaire à la continuité du pouvoir. A l’opposé, Stephen Bannon, futur conseiller stratégique, est une figure controversée, située très à droite, qui pourrait devenir «l’âme damnée» du président néophyte. Un peu comme le fut en son temps le «faucon» néoconservateur Paul Wolfowitz, aux côtés de George W. Bush. Les mêmes signaux contradictoires pourraient aussi surgir lors du choix d’un nouveau juge à la Cour suprême. Car si Donald Trump veut détricoter le droit à l’avortement, il n’a rien contre les robes de mariage homosexuel. La puissante droite évangélique appréciera. Pour avoir promis tout et son contraire, Trump est donc condamné à dérouter, sinon à décevoir rapidement, sa base la plus fervente. Mais surtout, avant de lancer ses réformes, il lui faudra se rabibocher avec son propre camp, au Congrès, dont la majorité lui est hostile. Autrement dit, plonger ses mains dans le cambouis parlementaire: loin, si loin, de la robinetterie dorée de la Trump Tower…
PASCAL BAERISWYL
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