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Editos

L’artiste de la renaissance

Décès de François Gross • Il est des hommes qui écrivent l’Histoire, et d’autres qui la commentent. Rédacteur en chef de «La Liberté» entre 1970 et 1990, François Gross, qui s’est éteint hier, s’est toujours posé en observateur plus qu’en acteur de l’ouverture à la modernité du canton de Fribourg.


Serge Gumy

Serge Gumy

27 décembre 2015 à 20:29

Les faits et leur chronologie accréditent sa thèse: à son arrivée à la tête du journal, les conservateurs, ancêtres du PDC, avaient déjà perdu leur majorité au Grand Conseil. Quant à l’Eglise catholique, le concile Vatican II l’exposait à des vents de réforme qui peinaient toutefois à forcer les portes de «La Pravda de Pérolles».

Pour autant, le Lausannois Gross a probablement contribué à accélérer les profondes mutations en cours dans son canton d’origine, devenu patrie d’adoption. En affranchissant «La Liberté» des tutelles politiques et religieuses qui pesaient sur elle, en ouvrant ses colonnes à toutes les opinions, il lui a rendu son titre et sa noblesse, en même temps qu’il en a fait «le journal de tous les Fribourgeois». Ils n’attendaient que ça. D’ailleurs, sans cette conversion au pluralisme, peut-être ce quotidien qui n’était plus le leur aurait-il succombé à sa tétanie idéologique.

En lui rendant sa crédibilité, François Gross a donc permis la renaissance de «La Liberté». Plus que l’artisan, il en a été l’artiste, rapport à l’élégance de sa plume, qui n’avait d’égale que celle de sa mise. Son verbe ciselé, jusqu’au tranchant parfois, inspirait l’admiration, la crainte et le respect, en même temps qu’il installait une forme de distance vis-à-vis de lecteurs contraints, pour pleinement en jouir, de garder un dictionnaire à portée de main. Ces éditoriaux forment l’œuvre magistrale d’un grand homme de presse. L’apport décisif de François Gross à «La Liberté» se lit aussi dans l’ambition d’oser une voix originale, l’attachement à l’intérêt général et la farouche indépendance vis-à-vis de tous les pouvoirs. Cet héritage est bien vivant. Il nous oblige.

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