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Société

«Miss Conchita a bien fait son boulot!»

L'invitée du lundi • Au début des années 1970, jeune chanteuse, Véronique Muller avait représenté la Suisse au concours de l’Eurovision. Madame a vu et vécu mille choses, depuis, mais sans jamais rompre ses attaches avec Morat…

Véronique Muller: sexagénaire, blonde, pleine de vie, pétrie de culture française et éprise à jamais de Morat.

Pascal Bertschy

Pascal Bertschy

4 août 2014 à 22:38

La bienheureuse! Elle habite à Morat, dans une merveille de petite maison au cœur de la Vieille-Ville. Véronique Muller y coule des jours plutôt heureux, et plus tranquilles que du temps où elle menait sa carrière de chanteuse à travers l’Europe. Attention, cette parfaite bilingue manie aussi bien le français que l’ironie. Depuis 1972, année où elle représenta la Suisse à l’Eurovision, elle a connu différentes vies. La plus belle fut peut-être celle partagée avec Guido Baumann, son regretté mari, illustre visage de la télévision germanophone. Et si madame est allée un peu partout, elle ne s’est pourtant jamais éloignée durablement de Morat. A croire qu’un fil invisible l’attachait à sa ville, dont elle est devenue avec le temps une des figures…

- Véronique, aujourd’hui, aimez-vous Morat un peu, beaucoup ou passionnément?

Beaucoup! Je l’aime parce que sa situation, à un carrefour des langues, en fait un lieu de rencontres. C’est un bijou si petit, aussi, qu’on ne peut pas s’y perdre. Morat est le contraire de l’anonymat, car tout ici est à taille humaine. Et puis, comme les visiteurs se réjouissent d’être là, l’ambiance est toujours un peu vacancière. D’autant que la ville laisse le temps de ressentir les choses, de savourer l’instant présent…

- Vous qui avez tant milité pour le maintien du monolithe de Jean Nouvel à Morat après Expo.02, en voulez-vous encore à la ville de ne pas avoir voulu conserver cette œuvre?

En tant que point de rencontres international, qui se distingue par sa diversité et son caractère ouvert, la ville pourrait être exemplaire. Or ici, sur le plan culturel, certaines choses m’échappent. Après l’exposition nationale, on aurait pu garder des traces du travail accompli par Jean Nouvel. On ne l’a pas fait, c’est dommage. Morat a également laissé partir «L’oiseau amoureux» de Niki de Saint Phalle, qui était exposé au bord du lac. Cela fait partie des choses que je ne comprends pas.

- Sinon, vous avez participé en 1972 à l’Eurovision, n’est-ce pas fou! Ni vous ni les autres chanteuses ne portaient de barbe…

Non, mais je soutiens Conchita Wurst (la lauréate barbue de l’Eurovision 2014, ndlr.). C’est quelqu’un qui travaille jour et nuit, et est bien parti pour faire le tour du monde. Ce qui me fait rire, aujourd’hui, c’est plutôt de voir autant d’hommes barbus. Comme vous-même, d’ailleurs!

- Selon vous, je ne devrais pas?

Oh!, ça vous regarde. Moi, vu le succès de cette mode, j’observe simplement que miss Conchita a bien fait son boulot!

- A la fin des années 1960, Petula Clark était une star mondiale. Qu’est-ce qui vous avait amenée à devenir sa secrétaire?

Mon père, qui était architecte paysagiste, avait conçu le jardin de sa propriété à Genève. C’est donc comme ça que…

- Petula Clark était-elle une bonne patronne?

Oui, et une amie. Nous avons fait ensemble quelques chansons en anglais. Elle m’avait aussi emmenée avec elle à Las Vegas, où j’ai pu voir en concert Barbra Streisand, Elvis, Ike et Tina Turner. Inoubliable!

- Et le rôle des hommes, dans votre vie?

A la Solennité, fête importante pour les jeunes de Morat, j’avais déjà un petit ami. J’ai commencé très tôt avec eux, mais en me montrant toujours assez critique. Ma chance a été de rencontrer quelqu’un comme mon mari Guido. Je souhaite à chacun de recevoir un tel cadeau du destin. Nous nous comprenions, nous soutenions et arrivions à nous déployer ensemble. L’or d’un couple, c’est la complicité. Juliette Gréco dit dans une chanson qu’un homme qui rit avec une autre femme, c’est pire qu’un homme qui vous quitte pour une autre. Cela me semble très vrai…

- En parlant de loyauté, comment s’explique votre fidélité à la ville de Morat?

Vous n’allez pas me croire, mais je suis revenue à cause de la bataille de Morat. Pour son 500e anniversaire, en 1976, on m’a demandé une chanson et nous l’avons faite en deux langues avec les enfants d’ici. J’en ai été honorée et me suis dit que tout ce que j’avais appris ailleurs, dans les écoles du métier à Paris et à Londres, eh bien tout ce que j’avais fait ailleurs était sans doute destiné à être exploité dans ma région. Je suis partie plus tard à Zurich et à Munich, mais j’ai toujours eu un appartement à Morat. Et lorsque mes parents ont eu besoin de moi, j’ai acheté cette maison…

- Ferez-vous un jour votre retour sur scène?

Maintenant que je n’ai plus mes parents, je l’ai envisagé. Pour retrouver la forme, je me suis mise à la marche. Seulement à ma première sortie sur le Mont-Vully, cet été, je suis tombée après huit minutes de marche. Résultat: un poignet fracturé qui, depuis, me condamne à la tranquillité. Mais ce n’est pas plus mal, car la modération vous enseigne plein de choses…

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Véronique Muller en son petit jardin

> Une qualité qu’elle pense avoir: «Je suis assez chaleureuse.»

> Un défaut qu’elle est certaine d’avoir: «J’arrive souvent en retard.»

> Sa passion première: «Les êtres humains et les échanges avec eux.»

> Une ville qui l’enchante: «Il y en a beaucoup, mais j’ai toujours eu un faible pour Paris et Mykonos.»

> Un pays où elle pourrait vivre: «Je me sens très bien ici.»

> Ses goûts de cinéphile: «J’aime surtout le cinéma français et, dans ce qui m’a plu récemment, il y a eu «Elle s’en va», avec Catherine Deneuve, et «Avis de mistral», avec Jean Reno.»

> Les airs qui bercent ses jours: «Mes goûts sont vastes et variés, mais les musiques et les chansons que j’aime sont toujours constructives.»

> La boisson qui la rend meilleure: «La tomate, cet apéritif à base de pastis et de sirop de grenadine.»

> La gourmandise à laquelle elle ne résiste pas: «Le pavé de loup de mer à l’estragon cuit vapeur.»

> Un souvenir d’enfance: «Mes vacances de l’été 1953 au Touquet, dans le Pas-de-Calais, où nous sommes restés un mois. J’avais cinq ans et ce fut ma première explosion d’émotions! La mer, les dunes, la petite voiture rouge que mes parents avaient louée, la baguette au beurre et tous les autres détails du quotidien: je découvrais soudain un autre monde que le mien, d’autres paysages, d’autres gens, une autre façon de vivre, et j’en étais émerveillée! Ma mère achetait aussi des disques - Line Renaud, Piaf et bien d’autres - que j’écoutais avec elle. C’est ce qui m’a mise en route vers la chanson…»

> Les voix qui la touchent le plus: «Celles de Barbra Streisand, de Juliette Greco, de Kylie Minogue…»

> Un bel homme: «What Else? (clin d’œil à George Clooney, ndlr.).»

> Une belle femme: «Audrey Hepburn était vraiment magnifique.»

> Des personnes qu’elle admire tout particulièrement: «Ma mère, que je considère comme l’amie de ma vie, et mon mari Guido. Tous deux avaient en commun d’être aussi forts que fragiles et ils ont été pour moi de merveilleux guides. Ils m’impressionnaient par leur façon d’être, leur élégance, leur classe naturelle…»

> Ce qui l’énerve le plus: «Le manque de générosité.»

> Ce qui la fera toujours rire: «L’autodérision, mais pratiquée avec un minimum de profondeur.»

> Ce qui a le don de l’effrayer: «Les gens extrêmement superficiels.»

> Ce qui la réjouit le plus: «C’est quand nous réussissons, entre être humains, à bien s’entendre…» PBy

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