Un soir d'hiver à l'Ilfis
Qui n'est jamais allé au cœur du Hockeyland pour voir un match et manger un chäs-brägu ignore tout des beautés de l'existence. Langnau, ce n'est toutefois plus ce que c'était. Sa nouvelle patinoire est presque aussi chaleureuse que... Nuithonie.
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29 janvier 2014 à 18:04
Dans la vie, il faut faire un maximum de choses. Comme aller en hiver à Langnau, au coeur du Hockeyland, pour voir jouer les SCL Tigers dans leur nouvel Ilfis. Ce que j'ai fait, l'autre soir, à l'occasion d'un Langnau-Ajoie affolant d'intensité. Nous étions 4800 spectateurs à avoir vu en tout cinq tirs au but, six passes réussies et deux joueurs se faire flasher à plus de 5 km/h.
Pour avoir vécu ses heures héroïques, en particulier sa conquête du titre en 1976, j'adore le SC Langnau. Comme Ambri, l'autre village bien-aimé du hockey suisse, Langnau n'est pas seulement un club. C'est une œuvre d'art qui, selon ma vieille théorie, mériterait d'être classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. Quoique, depuis que j'ai vu la nouvelle patinoire, je me demande.
La vache! L'Ilfishalle nouvelle manière, qui a coûté 30 millions de francs, ce n'est pas ça. On n'y voit guère l'empreinte de l'Emmental, cette région où tout chante. L'Ilfis, c'était mieux avant. Quand on y voyait danser l'âme du Hockey Country. Aujourd'hui, le temple emmentalois a de grands airs modernes et citadins. C’est froid, fonctionnel, gris. On dirait Nuithonie.
On devine surtout que ce machin a été conçu pour plaire à Leurs Excellences de la Ligue suisse. Beuh. Mauvaise idée parmi d'autres: avoir placé l'essentiel des places debout derrière un des deux buts, afin d'aménager un maximum de places assises. L'ambiance, forcément, s'en ressent. Pour ce qui est de faire du bruit, ne pas compter sur les spectateurs assis.
Le Club 46, restaurant-bar situé au rez-de-chaussée, ressemble à une cantine d'entreprise zurichoise branchée. Ses murs sont ornés par des photos des heures légendaires du club, lesquelles auraient mérité un décor plus chaleureux.
Autre pincement en voyant, dans la patinoire, le panthéon local. Pour honorer Daniel Aegerter, Todd Elik, Martin Gerber et «Wale» Gerber, dont les numéros ont été retirés, on a fait figurer leur maillot sur un panneau posé contre un mur au-dessus d'une tribune. Plus mal foutu que ça, on ne fait pas. Et ne parlons pas de l'absence, dans ce tableau, de quelques géants. Jürg Berger, Rolf Tschiemer, Ernst Lüthi et Res Meyer, par exemple, où êtes-vous?
Heureusement, même si l'Ilfis accueille désormais plus de bureaucrates que de paysans et d'ouvriers, certaines choses tiennent le coup. Ainsi la bonhomie des Emmentalois, restée intacte. L'autre soir, après la défaite des leurs contre Ajoie, la plupart des supporters se marraient. On ne va pas tout de même pas pleurer, hein?
Okay, ce soir-là, même le HC Le Mouret aurait battu les Tigres. D'accord, l'équipe a pris ses quartiers pour longtemps en ligue B. Entendu, même vu depuis la stammtisch du Hirschen à l’heure de lapéro,
Langnau a cessé depuis longtemps d'être le plus grand club du monde. Pas de quoi entamer la proverbiale bonne humeur des Emmentalois, pourtant, d'autant moins que plein de choses prêtent à sourire. Comme voir Juraj Kolnik, arrivé en bout de course, traîner ses patins sur la glace. Jean Cusson, Pete Sullivan, Merlin Malinowski, Kelly Glowa et Todd Elik, revenez, le Hockeyland veut des buteurs et du spectacle!
Dans les choses immuables, à deux pas de l'Ilfis, il y a toujours la boucherie Horisberger. Elle est toujours tenue par Michael Horisberger, le mythique ailier de 1976. Dans leur stand saucisses, «Hori» et son personnel servent une currywurst qui n'a rien à envier à celle de la PostFinance Arena. «Hori» for ever!
Mais le meilleur, c'est peut-être encore le chäs-brägu qu'on trouve devant la patinoire. Il s'agit d'une énorme croûte au fromage pour laquelle on se lèverait la nuit. Avec Marco, le pote qui m'accompagnait, on s'en est mis partout. Tout l'Emmental semblait fondre dans cette goinfrerie.
Langnau, maintenant que L'Ilfis a été défiguré, ce n'est plus ça. Le Hockeyland a une patinoire qui satisfait aux aux normes en vigueur, hélas, mais son cœur bat encore. L'âme subsiste. Il faut presque s'excuser d'employer ce gros mot, aujourd'hui, mais c'est vrai. Au Hirschen, chez «Hori» ou dans une croûte au fromage d'enfer, l'âme du SCL réussit encore à se nicher ici ou là. Qui n'est jamais allé un soir d'hiver à Langnau pour voir un match et manger un chäs-brägu ignore tout des beautés de la vie.
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