Ambri, ou la poésie du petit
«Bienvenue au club!» • Les Biancoblù jouent ce vendredi à Fribourg avec leur nouvel entraîneur. Mais peu importe que leur coach s'appelle Pierre, Paul, Jacques ou Hans, Ambri sera toujours Ambri...
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pascal bertschy
28 octobre 2015 à 19:45
Satanés Tessinois! On ne peut jamais leur faire confiance. Déboulonner l'entraîneur, chez eux, est un sport à part entière. A bout d'un moment, ils ne peuvent pas s’en empêcher. Allez toi, ouste! On a beau être dans le championnat suisse de hockey sur glace, on sent que le pays du calcio n'est pas loin.
Ambri et Lugano virent chacun leur entraîneur, qu'ils remplacent par un coach qui s'est fait virer ailleurs. Hans Kossmann à la Valascia et Doug Shedden à la Resega, c'est d'un original! Cela frise le pilotage automatique et donne presque envie de bâiller.
Cela dit, en apprenant que Kossmann succéderait à Serge Pelletier, j'ai envisagé de changer de planète. Mais les copains m'ont dit d'arrêter mes délires, tout en attirant mon attention sur un point qui m'a fait réfléchir: de monde, il n'y en a pas d'autre.
Le chauffeur de la Rolls fribourgeoise
Donc voilà, je suis resté et je me retrouve dans un monde où le HC Ambri-Piotta s'en est remis à l'oberstleutnant Kossmann. Ce coach en vaut d'autres, notez, et qui sait? Ça peut marcher. Simplement, je le vois encore envoyer sa Rolls fribourgeoise dans le décor et ça me ferait de la peine s'il se plantait en Léventine, beaucoup de peine pour Ambri.
Ben oui, j'ai un faible pour Ambri. Oh! j'aime tout le monde et m'intéresse à chaque club. Mais Ambri, c’est comme Langnau. Avec ces deux-là, je me sens pareil à un père de famille nombreuse. Semblable au vieux qui aime tous ses enfants, mais regarde avec une tendresse particulière ses deux petits derniers. Les deux qui ne ressemblent pas aux autres et à qui on pardonne tout.
C'est injuste. Surtout pour le grand de la famille, c'est-à-dire le HC Lugano, tellement plus brillant. L’argent, la classe, le professionnalisme, le confort, le climat, sans compter les palmiers et l’ambiance vacances, les Bianconeri ont plus que tout. Meilleure place que celle-là, on ne trouve pas. Jouer à Lugano fait envie. Seule fait défaut, une fois qu'on y est, l’envie de jouer pour Lugano.
Un village en ligue A, c'est un miracle!
L’âme ne s’achète pas. Au Tessin, elle se niche là-haut dans la montagne. L’âme est un mystère. Où Ambri a-t-il trouvé la sienne? La présence durable de ce village en ligue A tient du miracle. Ce club, qui trouve décennie après décennie son chemin dans les cœurs, défie la raison. Ne l’idéalisons pas, pourtant, car on ne saurait idéaliser un club si proche des cuisines politiques. Et ne fermons pas les yeux sur ces façons de crier misère, de se complaire dans les déficits pour mieux faire un doigt à tels créanciers.
M'enfin, là-bas, il y a bien un cœur qui bat. L’esprit et les tifosi sont toujours là. Il n’y a qu’à Ambri où la présentation officielle de l’équipe, en milieu d'été, attire 7000 personnes à la patinoire. Il n’y a qu'à la Valascia où le public chante même les soirs de défaite. Chez le tout petit, la folie reste obstinément de la partie.
Tenez, depuis cette saison, Ambri aligne deux anciens grands joueurs de Zurich. Mark Bastl et Thibaut Monnet ont vécu au Hallenstadion des soirées, des victoires et des exploits comme peu de hockeyeurs suisses en vivent dans leur carrière. Eh bien demandez à Bastl et à Monnet si ce n’est pas vrai: les tifosis leur ont déjà donné des frissons qui leurs étaient inconnus jusque-là.
Ce public est l’or des Biancoblû. Grâce à lui, partout en Suisse, on continue à faire de ce club une montagne. N'empêche, depuis le temps, Ambri ressemble davantage au vase qui trône chez grand-maman, vous savez, celui qui a survécu à tous les déménagements et à toutes les catastrophes. Ses fêlures lui donnent un charme fou, sa fragilité est sa force. Alors le nouveau coach peut bien s’appeler Pierre, Paul, Jacques ou Hans, cela n’y changera rien. Ambri aura toujours pour lui sa poésie.
De mon côté, j'ai pour moi des vacances et vous retrouve dans deux semaines. Le temps d'aller vérifier si les copains m'on dit vrai et s'il n'y a vraiment pas de championnat sur Mars...
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