Serge Gumy
15 juin 2017 à 00:08
L’aveu avait quelque chose de touchant. A l’heure d’annoncer sa démission du Conseil fédéral, Didier Burkhalter s’est départi de sa réserve toute protestante pour oser laisser parler le cœur. Après 32 ans de politique, il dit aspirer à une autre vie, moins exposée. La vie d’un homme normal qu’il n’a en réalité jamais cessé d’être.
Cette normalité très helvétique fut à la fois sa force et sa faiblesse. Collégial jusqu’au bout des ongles, le Neuchâtelois n’a jamais revêtu la taille patron. Ni au Département fédéral de l’intérieur, qu’il a déserté après deux ans déjà en laissant en plan les réformes des retraites et de l’assurance maladie. Ni aux Affaires étrangères, où il n’est pas parvenu à faire aboutir son idée d’accord-cadre avec l’Union européenne, dont plus personne ne veut dans l’immédiat. Pas même à Bruxelles, accaparé par la sortie à négocier du Royaume-Uni.
Dans cette carrière ministérielle en demi-teinte, la présidence simultanée, en 2014, de la Confédération et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe aura constitué une parenthèse enchantée. Celui qui fut élu « Suisse de l’année » a alors su profiter de l’actualité – l’éclatement de la guerre en Ukraine - pour faire briller ses qualités d’homme de valeurs au service de la communauté (internationale, en l’occurrence).
Les photos prises avec Barack Obama ou Vladimir Poutine cette année-là ne sauraient cependant éclipser l’immense point noir du 9 février. Non seulement Didier Burkhalter n’a pas senti monter, pas plus que le reste du gouvernement, la grogne populaire face à l’immigration, mais il ne s’est pas non plus imposé par la suite comme le chef d’orchestre des difficiles négociations à mener avec l’UE. Depuis lors, il s’est progressivement isolé, y compris de son Parti libéral-radical. Bien que surprenante, l’annonce de son départ confirme dès lors l’impression diffuse qu’il n’avait plus le ressort pour rebondir.
Didier Burkhalter en a tiré les conséquences – et sa révérence aussi. Pour sa succession au Conseil fédéral, le Tessin, avec la probable candidature d’Ignazio Cassis, a cette fois de solides prétentions à faire valoir pour un siège devant revenir aux Latins. Quant aux Affaires étrangères, Alain Berset paraît bien placé pour leur insuffler une nouvelle dynamique. Comme il l’a fait à l’Intérieur, qu’il a repris en panne sèche après un certain Didier Burkhalter.
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